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mercredi 14 mai 2014

Vidéo amateur prise à la sortie du stade Tata Raphaël après la bousculad...



Drame dans un stade de Kinshasa : "Une succession d’erreurs"

Des supporters s'agrippent aux projecteurs et même à des drapeaux pour suivre le match. Photo publiée sur la page Facebook du TP Mazembe.
 
Le dernier match de la saison en République démocratique du Congo devait être une fête du football mais le rendez-vous a tourné au drame, dimanche 11 mai. En marge de la rencontre entre les deux plus grandes équipes de RDC, le tout-puissant Mazembe et l’AS Vita Club, 15 personnes ont trouvé la mort à la suite d’une bousculade entre supporters. Le résultat de rivalités exacerbées mais aussi d’infrastructures inadaptées expliquent nos Observateurs.
 
En République démocratique du Congo, ce match est l’équivalent d’un "Barcelone – Real Madrid" en Espagne. D’un côté, le Vita Club, équipe de Kinshasa, deuxième du championnat avant le match et qui devait s’imposer à domicile pour espérer remporter le titre ; de l’autre, le TP Mazembe, club de Lubumbashi, qui devait absolument ne pas perdre pour rester en tête. Ce match décisif avait lieu dans le stade Tata Raphaël, à Kinshasa.
 
Le club visiteur, le TP Mazembe, ouvre le score à la 34e minute et est donc virtuellement champion. À quinze minutes du coup de sifflet final, des supporters du virage est, où se réunit les fans du Vita Club, jettent des bouteilles d’eau et des pierres sur un joueur du TP Mazembe venu tirer un corner. L’arbitre arrête le match une dizaine de minutes. Après que des responsables de la sécurité du Vita Club et des joueurs ont tenté de raisonner leurs supporters, le match reprend brièvement. Mais trois minutes avant la fin du temps réglementaire, de nouveaux jets de pierre visent le terrain, ainsi que la tribune des supporters du TP Mazembe. La police lance alors des gaz lacrymogènes pour disperser les fauteurs de troubles, provoquant une cohue dans laquelle 15 personnes sont mortes et 21 autres ont été blessées.
 
ATTENTION, LA VIDEO CI-DESSOUS PEUT CHOQUER
 
Sur ces images amateur récupérées par Sangoya Congo, un supporter filme juste après la bousculade aux alentours du stade. De nombreuses personnes sont allongées par terre, certaines ne bougent plus.

"Il y avait quatre portes de sortie pour environ 65 000 personnes"

Jeanric Umande était au stade. Il témoigne de la bousculade.
 
Le Vita Club joue normalement au stade des Martyrs, d’une capacité de 80 000 places, mais il est en rénovation depuis début janvier [le stadedoit accueillir la Coupe d’Afrique des Nations des moins de 23 ans en 2015, NDLR]. Le problème, c’est que le stade qui a accueilli le match d’hier, construit en 1952, était à l’abandon depuis très longtemps. Il a étéréhabilité dans l’urgence à la fin de l’année dernière pour permettre au Vita Club de jouer à Kinshasa. À titre de comparaison, il n’y a que quatre portes de sorties au stade Tata Raphaël, contre 24 au stade des Martyrs. Ça a fortement empêché l’évacuation rapide du stade.
 
Lorsque les choses ont commencé à dégénérer, des supporters du virage est, mais aussi des tribunes alentours ont essayé de quitter le stade avant le coup de sifflet final. C’est à ce moment que la police est intervenue provoquant une véritable cohue. Un mur du bâtiment qui n’avait pas été rénové s’est écroulé et un portail s’est effondré sur des supporters. Certains sont morts piétinés dans la bousculade, mais d’autres ont été tués à cause d’infrastructures en mauvais état.
 
Autre problème : le stade était plein à craquer. Les gens étaient assis dans les escaliers, certains sont même montés sur des projecteurs. Je n’arrive toujours pas comprendre comment on a pu laisser un stade d’une capacité de 50 000 personnes maximum se remplir autant. Il y avait à mon avis au moins 65 000 personnes.
Images des altercations entre supporters et police anti-émeute. Les supporters s'enfuient en haut du stade. Photo publiée sur le site du TP Mazembe.

"Les supporters s’en sont même pris aux journalistes venus pour retransmettre le match"

Depuis dimanche, des réunions entre le ministère de l’Intérieur et les instances du football congolais recherchent les responsables. Plusieurs Observateurs qui ont assisté au match évoquent un contexte très tendu pendant, mais également avant le match : des supporters du Vita Club ont tenté de prendre d’assaut un bus de supporters du TP Mazembe.
 
Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, a fustigé lundi 12 mai le comportement des supporters, en les invitant à ne pas "se transformer en groupes de milices". Pour Jean-Pierre Kayembe, journaliste et membre d’une ONG à Kinshasa, qui a travaillé sur les rivalités entre les clubs de football de République démocratique du Congo, le drame était prévisible.
 
Les affrontements entre les supporters des deux clubs sont fréquents, comme au match aller le 23 avril, mais en général, ça ne fait que des dégâts matériels ou au pire des blessés [la saison dernière, des sanctions avaient été infligées à l’égard des deux clubs lors d’un match joué à Lubumbashi, émaillé des incidents NDLR]. L’AS Vita Club est plus ancien, détient un meilleur palmarès, mais depuis le milieu des années 1970, il s’essouffle. De l’autre côté, le TP Mazembe est financé par un homme d’affaires, Moïse Katumbi, et a déjà été en finale de la Coupe du monde des clubs [tournoi des vainqueurs des Coupes d’Europe, Asie, Amérique du Sud et Afrique, NDLR] en 2010. Ça crée forcément des jalousies à Kinshasa.
 
Depuis plusieurs semaines, les supporters de Kinshasa étaient très en colère car le match aller [à Lubumbashi] n’avait pas été retransmis à la télévision nationale. D’habitude, c’est le président du TP Mazembe, Moïse Katumbi, qui finance les retransmissions sur sa chaîne, Digital Congo. Mais cette fois ci, il n’y a pas eu d’accord avec les prestataires, et le match n’a pas été diffusé. En guise de représailles, des supporters du Vita-Club à Kinshasa ont caillassé dimanche le camion de retransmission de la seule équipe de télévision autorisée à pénétrer dans l’enceinte. Les journalistes n’ont pas pu accéder au stade et la rencontre n’a pas pu être diffusée.
 
Dans les jours précédents le match de dimanche, on pouvait voir, sur les réseaux sociaux des deux clubs, la tension monter plus que d’habitude. Parfois, ça devenait des intimidations glauques : des images du stade transformé en cimetière avec l’inscription "le stade Tata Raphaël sera le tombeau des supporters du TP Mazembe" circulait. On sentait les supporters prêts à en découdre.
 
Photomontage diffusé quelques jours avant le match sur des groupes Facebook de supporters de l'AS Vita Club.
 
Compte tenu de tout cela, je n’arrive pas à comprendre qu’on n’ait pas fait reporter ou au moins fait jouer le match à huit clos pour faire le point avec les responsables des clubs et la Ligue sur la sécurité. Cette succession d’erreurs a coûté la vie à des innocents.

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