Rappels historiques - Arabo-islamisme contre « berbérisme » (partie 1) Soumis par Stéphane Mérabe... le ven, 2014-06-20 15:17

Rappels historiques - Arabo-islamisme contre « berbérisme » (partie 1)

Soumis par Stéphane Mérabe... le ven, 2014-06-20 15:17

         

Les Berbères voyaient d’un assez mauvais œil l'idéologie jacobine « à la sauce » arabo-musulmane s'imposer peu à peu dans les mouvements indépendantistes. Ils eussent à coup sûr préféré davantage de « régionalisme », et certains d’entre eux, même, se seraient bien laissés aller à trouver des charmes au jacobinisme, mais à la condition qu’il servît la cause berbère...

Dès mars 1945, lors d'une réunion de la direction du PPA (Parti Populaire Algérien) pour la zone de Kabylie, des militants avaient soumis le problème de l’identité berbère à Amar Khellil (militant et membre du Bureau du PPA entre 1939 et 1943), alors agent de liaison entre la direction du parti et la Kabylie, et lui avaient demandé d'initier le débat sur cette question, qui, à leurs yeux, ne devait plus demeurer tabou. En pure perte.

En juillet 1948, Ouali Bennai invita, à l'insu des bureaux du PPA et MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) et de l'administration française, quinze militants berbères, également militants des deux partis, à une séance de travail à huis-clos de trois jours au village d'Arous, en Kabylie. Deux points principaux étaient à l'ordre du jour, condamner la politique réformiste du MTLD et appuyer l'idée d'une lutte armée contre les Français, et, surtout, introduire la dimension berbère dans l'organisation de la future Algérie indépendante.

Horreur et stupéfaction des « arabo-musulmans » !

Un rapport écrit des travaux fiat présenté au Comite Central du Parti, afin qu’il pût y être débattu des perspectives d'avenir d'un travail sur la langue berbère. Horreur et stupéfaction des « arabo-musulmans » ! Ces initiatives devaient déboucher sur la « crise berbère » de 1949, au moment où Mohand Idir Aït Amrane, éléve au lycée Ben-Aknoun, à Alger, composait 1a chanson « Debout, ô fils d ‘Amazigh », le premier chant patriotique berbère des temps modernes.

En mai 1949, Sid Ali Yahia, dit Rachid, alors étudiant en droit à Paris, et membre du comite exécutif de la Fédération de France du PPA/MTLD. réussit a faire voter une motion en faveur d’une Algérie algérienne, mais qui dénonçait en même temps le mythe d'une Algérie arabe et islamique ; son texte reçut l'approbation de 28 membres sur les 32 présents. La réaction de 1a direction du PPA/MTLD fut d'organiser un commando pour récupérer de force les bureaux de 1a Fédération, tenus par les « berbéristes ». Elle avait également diflusé un tract condamnant le « berbérisme ».

Il y eut même des combats (sanglants), à Paris, entre ces demiers et les tenants de l’Algérie arabo-musulmane

Un membre de l'exécutif de la Fédération de France, Belkacem Radjef demanda une réunion des 25 membres du comite fédéral, afin de lui faire adopter une motion condamnant «la déviation politique du comité exécutif», mais elle fut repoussée par 12 voix pour et 13 contre. Insatisfait, il tint réunion avec des émissaires spécialement dépêchés d’Alger. La décision fut prise d'organiser des groupes d'autodéfense contre les « berbéristes ». Il y eut même des combats (sanglants), à Paris, entre ces demiers et les tenants de l’Algérie arabo-musulmane. Bizarrement, à partir de ce moment, les arrestations par la police française de responsables indépendantistes berbères se multiplièrent, en Algérie et en Métropole; tandis qu’ils étaient emprisonnés, ils furent accusés de « régionalisme et danti-nationalisme » par la direction du PPA/MTLD, et ils furent exclus du parti.

En Kabylie, le parti enregistrait des démissions collectives, consécutives aux agissements de la direction. Malgré les efforts des uns et des autres, et même de Messali Hadj (du moins en apparence), la situation ne put être débloquée. Le seul acteur du mouvement « berbériste » à demeurer dans le parti fut Aït Ahmed. En septembre 1949, une lettre adressée de prison par l’un des militants berbères détenus, Ouali Bennai, dans laquelle il demandait à Saïd Ali Yahia des nouvelles du MRB (Mouvement Révolutionnaire Berbère) fut interceptée et rendue publique par 1e parti afin de discréditer le mouvement berbère. Les choses senvenimèrent au point qu'il y eut à nouveau de violents combats entre tenants du « berbérisme » et partisans de l'arabo-islamisme.

( à suivre...)

Christian MAROT - Les Berbères face à l'arabo-islamisme