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lundi 16 juin 2014

Nemmouche l’assassin du Musée Juif de Bruxelles était un « vétéran » djihadiste des combats en Syrie

Nemmouche l’assassin du Musée Juif de Bruxelles était un « vétéran » djihadiste des combats en Syrie


Nemmouche l’assassin du Musée Juif de Bruxelles était un « vétéran » djihadiste des combats en Syrie
Aperçu général
1.   Le 24 mai 2014, quatre personnes, dont deux touristes israéliens, ont été tuées dans une fusillade au Musée juif de Bruxelles. Une semaine plus tard, le 1er juin 2014, un suspect a été arrêté à Marseille en possession d’armes utilisées dans la fusillade ainsi que d’une vidéo revendiquant la responsabilité de l’attaque.
2.   Le terroriste suspect est Mehdi Nemmouche, Français musulman d’origine algérienne, connu des autorités. Nemmouche a été trouvé en possession d’un drap arborant le logo de l’Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie, une organisation jihadiste en Syrie considérée comme un aimant pour les volontaires européens (aux côtés du Front Al-Nusra). Selon le procureur général français, Nemmouche a rejoint les rangs de l’Etat islamique en Janvier 2013, a passé plusieurs mois en Syrie avant de rentrer en France via l’Allemagne.
3.   La France et la Belgique sont les deux principaux pays d’où sont issus des bénévoles rejoignant les rangs d’Al-Qaïda et du jihad mondial en Syrie (plusieurs centaines chacune).La personnalité de Mehdi Nemmouche correspond au profil du volontaire français, européen en général, au potentiel terroriste et subversif. Le cas de Nemmouche témoigne des premiers signes de ce potentiel et pourrait être un signe annonciateur d’autres attentats terroristes qui seront effectués dans le futur dans les pays occidentaux par les jihadistes formés en Syrie.
4.   Les autorités françaises sont parfaitement conscientes des dangers inhérents au phénomène des « vétérans de Syrie » et ont pris une série de mesures préventives au cours de l’année écoulée face aux volontaires de retour de Syrie et à ceux qui les y envoient. Selon la presse, ces actions ont ainsi permis de déjouer un acte terroriste dans lequel un terroriste de retour de Syrie était impliqué. Toutefois, l’attentat du Musée juif de Bruxelles témoigne selon nous du manque d’efficacité des actions préventives des services de sécurité français et européens en général et de la collaboration européenne au sujet des volontaires de Syrie. La prise de conscience des dangers inhérents au phénomène des « vétérans de Syrie » est certes ancrée en France, en Belgique et dans d’autres pays d’Europe, mais une série de difficultés – opérationnelles, de renseignements, sociales et légales – empêche sa traduction en campagne efficace.
L’attentat du Musée juif de Bruxelles
5.   Le samedi 24 mai 2014 vers 15h50, un individu est arrivé en voiture dans le secteur du Musée juif de Bruxelles, situé dans le quartier du Sablon. L’individu, revêtu d’un chemise bleu et d’une casquette, s’est garé à l’entrée, est sorti du véhicule, est entré dans le Musée et a ouvert le feu avec un fusil de type Kalachnikov. Les tirs ont duré une minute et demi. Après la fusillade, il est sorti, a continué à tirer et a réussi à s’enfuir des lieux.
6.   Quatre personnes ont été tuées (une personne a été grièvement blessée et est décédée des suites de ses blessures). Deux des victimes étaient un couple d’Israéliens, Emmanuel et Mira Riva, de Tel-Aviv, âgés d’une cinquantaine d’années, qui se trouvaient en vacance sur place et étaient à l’entrée du Musée au moment des faits.
7.   Le lendemain de l’attaque, la police belge a publié une vidéo de la caméra de sécurité montrant un individu portant une casquette entrant dans le Musée avec deux sacs. Une fois entré, il a fait demi-tour, a déposé les deux sacs et a sorti un fusil avant de tirer durant une minute et demie. Après le tir, le terroriste a replacé l’arme dans le sac et est sorti. Selon la caméra de sécurité dans la rue, il s’est enfui à pied.
Vidéo des caméras de sécurité : Droite : Le terroriste ouvre le feu. Gauche : Il quitte les lieux après les tirs (Page Facebook de la police de Bruxelles)
Vidéo des caméras de sécurité : Droite : Le terroriste ouvre le feu. Gauche : Il quitte les lieux après les tirs (Page Facebook de la police de Bruxelles)
8.   Aucune organisation terroriste n’a revendiqué la responsabilité de l’attaque. Le procureur belge a déclaré que l’attaque du Musée juif de Bruxelles avait été commise par un seul terroriste armé et bien préparé. Il a ajouté que le tir n’était pas un assassinat mais un attentat terroriste. Le ministère belge de la Justice a annoncé que selon les vidéos, le terroriste avait agi seul avec un calme témoignant de son expérience dans de tels actes, conduisant les enquêteurs à privilégier la piste de l’attentat terroriste. Suite à l’attaque, la ministre belge de l’Intérieur a annoncé l’augmentation de la sécurité dans les institutions juives du pays.
L’arrestation du suspect
9.   Le 1er juin 2014, les autorités françaises ont annoncé avoir arrêté le 30 mai 2014 à Marseille Mehdi Nemmouche, soupçonné d’avoir commis l’attaque au Musée juif de Bruxelles. Dans une conférence de presse organisée par les services de sécurité français, le procureur général de France a déclaré que le suspect, qui conservait le silence, a été arrêté lors d’un contrôle douanier de routine effectué dans le train venant d’Amsterdam, via Bruxelles et faisant route vers Marseille (selon une autre version, suite à un contrôle dans l’autobus par lequel le suspect serait arrivé de Bruxelles via Amsterdam).
10.Le suspect est un Français musulman de 29 ans. Lors de son arrestation, il a été trouvé en possession d’un fusil Kalachnikov et d’un pistolet utilisés dans l’attaque, ainsi que d’undrap portant le logo de l’Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie (organisation jihadiste opérant en Syrie et en Irak dans laquelle servent des volontaires d’Europe et du monde arabo-musulman). Dans la caméra trouvée en sa possession, un film de 40 secondes dans lequel il est vu avec les deux armes et où il revendique la responsabilité de l’attentat a été retrouvé (BBC, 1er juin 2014). Le suspect transportait également des vêtements (casquette et chemise) identiques à ceux identifiés dans la vidéo de l’attaque.
Biographie du suspect
11.Mehdi Nemmouche, de nationalité française et d’origine algérienne, est né à Roubaix[1](Al-Nahar, Al-Arabiya, 4 juin 2014). Il n’a pas connu son père et a été abandonné par sa mère alors qu’il n’avait que quelques mois. Il a été placé dans des familles d’accueil jusqu’à l’âge de 17 ans, avant de partir vivre chez sa grand-mère. Sa tante a déclaré qu’il était un garçon intelligent, éduqué, ayant terminé une année d’université (timeofisrael.com).
12. Selon le procureur français, Nemmouche a été condamné dans le passé à sept reprises pour différents délits et a purgé des peines de prison.Durant son dernier séjour en prison (cinq ans), il s’est lié à des groupes islamiques extrémistes. Trois semainesaprès sa libération (Décembre 2012), il s’est envolé pour la Syrie où il a rejoint l’Etat islamique en Irak et dans la Grande Syrie. Après plusieurs mois en Syrie, il est rentré en Europe via l’aéroport de Frankfort. Selon une des versions publiées dans la presse, son arrivée en Allemagne a été rapportée mais son nom a été erroné (les volontaires ont recours à des faux noms au moment de leur départ pour la Syrie). Les autorités françaises vérifient s’il a agi seul ou dans le cadre d’une organisation.
13.Pour l’heure, le suspect refuse d’être extradé en Belgique. Son avocat a déclaré qu’il désirait être jugé selon la loi française. Selon son avocat, Nemmouche n’a pas commis la fusillade au Musée et il aurait volé les armes trouvées en sa possession dans un véhicule garé à Bruxelles et prévoyait de les revendre à Marseille (Jerusalem Post, 6 juin 2014). En 2004, l’Union européenne a établi une série de mandats d’arrêt internationaux visant à garantir l’extradition rapide et facilitée en 48 heures entre les pays de l’UE (NRG, 5 juin 2014).
Les recrues de France et de Belgique dans les rangs d’Al-Qaïda et du jihad mondial
14. Le nombre de volontaires européens servant dans les rangs d’Al-Qaïda et du jihad mondial en Syrie est estimé à plus de 2000 (selon plusieurs estimations, ce nombre serait de près de 3000).[2]La France et la Belgiquesont les deux pays d’Europe d’où partent le plus grand nombre de volontaires, avec plusieurs centaines pour chacune.
15. Selon les estimations publiées dans le passé dans la presse française et basées sur des sources des services de renseignements français, le nombre de Français engagés dans les organisations du jihad mondial en Syrie serait de 200-220. Cependant, il semble que ce nombre a augmenté (processus propres à d’autres pays). Le Président français François Hollande a déclaré il y a plusieurs mois que700 jeunes français étaient partis pour la Syrie et qu’une partie avaient été tués (AFP, 14 janvier 2014). Nous estimons le nombre de volontaires français en Syrie à plusieurs centaines, dont certains sont déjà rentrés en France.
16. Plusieurs centaines de volontaires belgesont rejoint les combats en Syrie, nombre relativement élevé pour un pays de cette taille. Une des raisons est l’existence d’un réseau salafiste jihadiste opérant au sein de la communauté musulmane locale, qui aide à recruter les volontaires et à les envoyer en Syrie, notamment l’organisation Sharia 4 Belgium, dont le but a été défini dès le début comme l’application de la loi musulmane (sharia) en Belgique. En Octobre 2012, les autorités locales ont déclaré l’organisation illégale mais cette mesure n’a pas réussi à endiguer le flot de volontaires belges partant pour la Syrie. Pour l’heure, on ignore si le terroriste français responsable de l’attaque de Bruxelles a reçu le soutien du réseau salafiste jihadiste local.
Mehdi Nemmouche correspond-il au profil des volontaires français ?
17. Nous pensons que le profil de Mehdi Nemmouche, basé sur les éléments publiés par la presse, correspond globalement à celui des volontaires français rejoignant les organisations jihadistes en Syrie (comme détaillé dans notre étude de Janvier 2014). La ressemblance se retrouve sur les points suivants :
a.      Age –La plupart des combattants français partant pour la Syrie sont âgés de 20 à 30 ans. Nemmouche était âgé de 29 ans.
b.   Origine – La plupart des volontaires de France sont d’origine nord-africaine, dans leur majorité de la deuxième voire troisième génération d’immigrants. Nemmouche était un algérien de la seconde génération.
c.   Religion – La plupart des volontaires de France sont musulmans, caractérisés par un extrémisme religieux ayant précédé leur départ pour la Syrie. Cet extrémisme a généralement débuté suite à une crise personnelle ou économique, à des sentiments de discrimination ou en raison de l’influence de prédicateurs locaux. Nemmouche est un musulman qui a rejoint des groupes islamiques extrémistes durant son séjour en prison et qui l’ont vraisemblablement influencé.
d.   Situation socio-économique – La plupart des volontaires sont issus de niveau socio-économique relativement bas et notamment des quartiers pauvres d’immigrants des grandes villes ou des villes industrielles, dans des zones frappées par le chômage. Nemmouche est originaire d’une ville du Nord de la France, dans laquelle œuvrait dans les années 1990 un gang de musulmans mêlant activités pénales et terrorisme jihadiste.
e.   Passif judiciaire – Des volontaires au passif judiciaire ayant purgé des peines de prison ont été identifiés. Nemmouche a un passif judiciaire et a purgé plusieurs peines dans des prisons françaises.
Mesures préventives des autorités françaises contre les volontaires de retour de Syrie
18. Aux yeux des autorités françaises, les volontaires de retour de Syrie représentent un potentiel terroriste et subversif. Pour les autorités françaises, ces jeunes rentrant de Syrie sont bien entraînés et une partie pourrait rejoindre des groupes jihadistes locaux. Ces jeunes pourraient recevoir l’ordre de commettre des attentats anti-français, anti-occidentaux, anti-israéliens et antisémites (à l’exemple de la fusillade du Musée juif de Bruxelles). En dépit de la prise de conscience des dangers, la France a du mal à agir contre ces volontaires, notamment en raison de son soutien officiel aux tentatives de faire tomber le régime d’Assad et pour des raisons légales, sociales et politiques.
19. Au cours de l’année écoulée, la France a commencé à prendre des mesures préventives contre le phénomène des volontaires français se rendant en Syrie ou en revenant. Il semble que ces mesures ont été accélérées par la fusillade commise contre une école juive de Toulouse par un terroriste (d’origine algérienne) ayant suivi une formation hors de France (Afghanistan ?), lié au jihad mondial. Dans les faits, les autorités françaises ont commencé à arrêter non seulement ceux de retour de Syrie contre lesquels il est possible de dire qu’ils ont violé la loi en agissant dans le cadre d’une organisation terroriste, ainsi que les activistes locaux œuvrant au recrutement de volontaires et à leur envoi en Syrie. Par ailleurs, il existe toujours des problèmes politiques et légaux portant atteinte à l’efficacité du combat contre ce phénomène (le ministre français de l’Intérieur a déclaré que lui et le ministre de la Justice allaient œuvrer à faire voter une loi permettant d’arrêter et de juger en cas de plans terroristes et non seulement de leur mise en œuvre).
20. Ci-après quelques exemples des mesures préventives des autorités françaises au cours de l’année écoulée :
a.      Juin 2013 – Le ministre français de l’Intérieur a annoncé que la police avait arrêté trois suspects membres d’un groupe de Français ayant séjourné en Syrie et de retour en France (Reuters, 25 juin 2013).
b.  Juillet 2013 – Les services de sécurité et de renseignement ont annoncé le démantèlement de deux cellules d’activistes qui prévoyaient de se rendre en Syrie.Ces activistes étaient des convertis (à l’exception de l’un d’entre eux) au passif judiciaire (Libération, 22 juillet 2013).
c.  Novembre 2013 – La police française a arrêté quatre suspects liés à un groupe ayant envoyé en Syrie des activistes afin de rejoindre les groupes islamiques. Les suspects, âgés de 22 à 35 ans, ont été arrêtés en banlieue parisienne suite à une enquête débutée à la mi-2012. Un des membres du groupe était en lien avec des personnes organisant le passage de Turquie en Syrie et les autres avaient combattu en Syrie dans le passé (www.johadwatch.org, 17 novembre 2013).
d.  Mars 2014 – Une unité anti-terroriste française a déjoué une activité opérationnelle d’activistes revenus de Syrie, sur la Côte-d’Azur. Le suspect interpellé, Ibrahim B, avait séjourné en Syrie avec deux comparses en Septembre 2012. Les trois avaient rejoint les rangs du Front al-Nusra, la branche d’Al-Qaïda en Syrie. Ibrahim B a été interpellé par les autorités le 3 janvier 2014 alors qu’il rentrait de Syrie. Le 16 janvier 2014, il a été arrêté en Italie et extradé en France où il a été emprisonné. Le 17 février 2014, la fouille de son appartement temporaire près de Canne a permis de découvrir 900 grammes d’explosifs de type TATP(www.english.rfi.fr, 24 mars 2014).
e.  Le 2 juin 2014 – Les autorités françaises ont arrêté quatre individus durant un raid contre des recruteurs du jihad. L’arrestation a fait suite à l’interrogatoire d’unsuspect français qui avait séjourné en Syrie. Les autorités ont déclaré que l’arrestation n’avait aucune rapport avec le tir au Musée juif de Bruxelles et que les interpellés faisaient partie d’une cellule opérant dans la région parisienne et au Sud de la France (Al-Monitor, 2 juin 2014).
21. Le cas de Mehdi Nemmouche témoigne du manque d’efficacité des mesures préventives des autorités françaises et européennes en général et du fait que les « vétérans de Syrie » au potentiel terroriste pourraient échapper au contrôle des services de sécurité. Selon un rapport d’un centre d’étude américain sur l’attentat du Musée juif de Bruxelles, « Nemmouche lui-même était dans le collimateur des autorités françaises », du fait de ses séjours en prison et étant connu pour avoir lutté dans les rangs des jihadistes en Syrie. En dépit de cela, le rapport précise qu’il a réussi à entrer en Belgique, à pénétrer dans le Musée juif avec des armes et à commettre un attentat[3]
[1]Dans les années 1990, un gang de musulmans, principalement d’origine nord-africaine, opérait à Roubaix. Plusieurs de ses membres étaient des « vétérans d’Afghanistan » et certains avaient lutté en Bosnie au début des années 1990. Ses membres ont notamment tenté de commettre un attentat à la voiture piégée durant le Sommet du G-7 à Lille (Janvier 1996). La plupart des membres du gang, dont le dirigeant, ont été tués dans des échanges de tirs avec la police en Mars 1996 et le gang a été dissolu. Plusieurs des anciens membres ont continué à être impliqués dans le terrorisme islamique international (Site Internet Global Jihad, thème « Roubaix Gang »).
[2]Pour plus de détails sur les volontaires étrangers des pays occidentaux, voir notre article du 3 février 2014 intitulé « Le phénomène des volontaires étrangers des pays occidentaux qui combattent en Syrie, la plupart dans les rangs des organisations rebelles proches d’Al-Qaïda et du jihad mondial », à l’adresse http://www.terrorism-info.org.il/fr/article/20616
[3]The Investigative Project On Terrorism:« The French jihadist killings in Belgium: This is just the beginning », 2 juin 2014.

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