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mardi 20 mai 2014

Lettre ouverte d’une touareg à l’envoyé de l’Onu

Lettre ouverte d’une touareg à l’envoyé de l’Onu

La reprise des violents affrontements entre l'armée et les groupes rebelles touaregs samedi 17 mai à Kidal ont fait ressurgir le spectre d'une partition du Mali. Dans une lettre ouverte, la militante touarègue Assi walet Hitta critique la position du représentant spécial du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies au Mali, Bert Koenders, qu'elle estime calquée sur celle de l'armée malienne et de Bamako.

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Crédit photo: Tous droits réservés Google Image
Exellence monsieur le representant des Nations Unis au Mali,
Dans le cadre d’une mission des Nations unies, vous êtes appelé au chevet du Mali, en crise, de par la faute de ses dirigeants politiques, pour essayer de trouver une solution politique au problème qui oppose l’Azawad au pouvoir central du Mali. Leurs parodies de démocratie et de bonne gouvernance sont aujourd’hui mises à nu. Ils ont été incapables, en cinquante quatre ans, de construire une nation plurielle. En tant que représentant d’une organisation internationale neutre, nous attendons de vous que vous preniez en compte toutes les conséquences de cette crise en toute impartialité. Aujourd’hui, à notre grande surprise nous entendons votre communiqué du 18 Mai 2014 basé sur les accusations infondées des pouvoirs maliens accusant les mouvements de l’Azawad de procéder à des assassinats et prises d’otages lorsqu'il y a eu un affrontement entre deux parties armées et que l’une a pris le dessus sur l’autre. 
Nous ne pouvons rester silencieuses sans vous faire part de notre profonde amertume lorsque vous passez sous silence les agissements inhumains de l’armée malienne qui s’attaque à balles réelles aux populations civiles sans défense à la barde de vos forces de sécurité présente a Kidal. 
Dans la seule journée du vendredi 16 Mai, vingt civils ont été blessés a balles réelles par l’armée malienne parmis lesquels des femmes et des enfants. Nous n’avons pourtant pas entendu votre indignation face a une telle animosité. Si des telles prises de positions se poursuivent, nous ne pourrons compter sur votre neutralité pour que justice soit faite sur les massacres des populations blanches de l’Azawad de 1963 à nos jours.
Nous attendons de vous en tant que représentant de la plus grande organisation internationale qui s’érige en défenseur et garant des droits humains, un minimum de neutralité pour une prise en compte des crimes commis contre les populations civiles de l’Azawad. Même si cela déplairait sans doute à Bamako, c’est la mission et le devoir qui vous incombent dès lors que vous avez choisi de servir cette noble cause au sein des nations unis.
Dans l’état actuel de délabrement de l’Etat malien, ses dirigeants en manque de réelle volonté de paix et leur armée raciste utilisent l’Azawad comme un terrain d’expérimentation pour tester les performances d’une armée en dérive sur des populations sans défense. Vous prenant à témoin, nous voudrions leur faire observer que le défi n’est pas de "reconquérir kidal occupé par ses propres populations" ou de veiller jalousement sur le résultat du dépeçage colonial, mais de renouveler le "vivre ensemble" sur des bases saines. Cette volonté de s'entendre est l’essence de la nation ; elle est reconnaissance des différences, en vue de les transcender.
Il est important de ne pas occulter que le Mali, que la communauté internationale défend bec et ongles, est le résultat d'un découpage colonial mené sans l’aval des populations. Son maintien de nos jours relève inévitablement d’un contrat social issu des différentes communautés le composant sur la base des principes fondamentaux tels que: le principe de bonne gouvernance: le respect des droits humains, l’autogestion et, la reconnaissance des génocides répétés commis à l’encontre des populations civiles blanches.
Nous souhaitons la réussite de votre mission de paix car nous sommes les premières victimes de cette guerre et nous seront les bénéficiaires de la paix. C’est pourquoi, nous avons toujours réclamé le dialogue. Mais les autorités maliennes s’avèrent incapables de sagesse. Les personnes en charge du dossier n’ont répondu que par des manœuvres de division : l’envoi de forces militaires, les pogroms et les exactions de toutes sortes.
Notre message est clair :
Le peuple de l’Azawad ne fera l’économie d’aucun sacrifice pour atteindre ses aspirations légitimes.
Seul un dialogue sincère et respectueux, fondé sur une conscience collective de la nécessité de la paix et de la justice, permettra d’épargner à nos peuples les affres d’une guerre de faibles. Un tel dialogue requiert humilité et lucidité.
Le peuple malien a connu d’autres difficultés (coups d’Etats, révoltes autres que celles des Azawadiens, etc.). A ces occasions, nous n’avons pas assisté à un rejet des revendications. La prudence, le dialogue et l’écoute ont été mis en avant pour les résoudre, car le sentiment qu’il s’agit d’une partie de la nation meurtrie et déchirée a prévalu. Nous sommes fortement convaincues que si le problème de l’Azawad était considéré de la même manière, sa résolution n’en serait que plus rapide.
Nous voudrions rappeler ici que des groupes terroristes et des narcotrafiquants écument la bande saharo-sahélienne depuis plus d’une décennie, sous le regard impuissant, indifférent, indulgent ou complice des Etats de cette région. Ils constituent une menace gravissime pour l’Azawad. Les Azawadiens ne sont ni intégristes ni trafiquants : nous lutterons de toutes nos forces contre ces dangers.
Nous vous adressons cette lettre pour attirer votre attention. Connaissant votre attachement à la paix, vous nous permettrez, Excellence, d’associer pleinement, toute la communauté internationale, à notre appel aux dirigeants maliens : les voiles sont tombés et plus rien n’empêche, dans le cadre d’un dialogue construit, de reconnaître le calvaire que le peuple de l’Azawad endure depuis plus de trois générations, de reconnaître son aspiration à la liberté et la dignité, de croire en sa capacité d’être maître de son destin, de vivre en paix avec tous ses voisins.
Excellence, le représentant des nations Unis,
Les pays sont aussi les peuples. C'est de là que les États tirent leur légitimité. Ils doivent être écoutés. Des centaines d’Azawadiens sont réfugiés dans les pays voisins, fuyant les exactions de l’armée et des milices maliennes qui n’ont jamais cessé et qui ont déjà emporté des milliers de femmes, d’hommes, de vieillards, d’enfants, qui n’ont eu le tort que vouloir vivre en paix sur leurs terres. Soutenir un Etat dont les dirigeants sont si étroits d’esprit sans conditions n’est pas porteur de paix durable.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur Le Représentant des Nations Unis au Mali, l’expression de notre plus haute considération. 
Assi walet Hitta (Association des femmes de l'Azawad)

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