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samedi 31 mai 2014

Au Baloutchistan, des extrémistes déscolarisent des filles par la force


Au Baloutchistan, des extrémistes déscolarisent des filles par la force

Des jeunes filles et femmes au cours d’une manifestation à Panjgur. Photo publiée sur Facebook par Doc Balochistan.
 
Depuis quelques semaines, des jeunes filles et ceux ralliés à leur cause, manifestent dans la province du Baloutchistan pour la réouverture de dizaines d’écoles, fermées suite à des menaces d’un groupe extrémiste.
Menacer les jeunes filles pour les empêcher d’aller à l’école n’est pas un phénomène nouveau au Pakistan – ce fut le cas pour Malala Yousafzai, qui n’en est que l’exemple le plus tristement célèbre - mais il semble être en train de se répandre dans des zones qui y avait jusqu’alors échappé.
 
Il y a deux semaines, toutes les écoles privées des districts de Panjgur et Turbat au Baloutchistan ont été obligées de fermer leurs portes, sous la menace d’un groupe jusqu’alors inconnu : le “Tenzeem Islami Al-Furqan” (“L’Organisation de l’Islam  pour le Coran”). Ces extremistes, tels les Taliban ou Boko Haram au Niger, affirment être contre une “éducation occidentale” des filles.  
 
Pour répondre à ces menaces, les parents et supporters des jeunes élèves ont mené plusieurs marches de protestation à Panjgur et à Quetta, capitale de la province. Fortes de ce soutien, quelques écoles ont brièvement rouvert leurs portes la semaine dernière, mais face au renouvellement des menaces, elles ont de nouveau fermé. Le gouverneur du Baloutchistan a promis d’agir pour que ces écoles privées puissent rouvrir. Cependant, de nombreux enseignants ont quitté la région ou ont peur de reprendre leur activité.
 
Des jeunes filles et femmes au cours d’une marche de protestation, début mai à Panjgur. Photo publiée sur Facebook par Doc Balochistan.
CONTRIBUTEURS

“Ils ont jeté des grenades dans notre salle informatique”

Rizwan Riaz était professeur d’anglais au Centre Baam d’enseignement d’anglais à Panjgur jusqu’à ce qu’il ferme récemment.
 
Mon école, qui accueillait des jeunes collègiennes et lycéennes, a été la première ciblée à Panjgur. Nous avions reçu des menaces écrites de ce groupe mystérieux. Et puis il y a deux mois, ils nous ont attaqués : trois hommes, le visage masqué et portant des grenades et des armes à feu. Ils sont entrés dans l’école et nous ont obligés à quitter les salles de classe. Ils ont ordonné aux élèves de ne plus revenir en cours, et ont prévenu les enseignants que si nous ne fermions pas l’école, nous serions tués. Ils ont lancé deux grenades, une dans notre salle informatique et l’autre dans notre bureau. Heureusement, personne n’a été blessé. Depuis, l'école est fermée.
 
Peu après, d’autres écoles privées ont fermé. Elles ont reçu les mêmes menaces que nous. L’un des directeurs d’écoles a même été attaqué en rentrant chez lui. Ils l’ont tabassé et ont mis le feu à sa camionette scolaire, heureusement vide. Ils ont aussi mis le feu à plusieurs écoles. Ceci a continué jusqu’à ce que toutes les écoles privées décident de fermer leurs portes indéfiniment, il y a à peu près deux semaines.
 
 
Ces extremistes ont ciblé les écoles privées parce que c’est là que les filles apprennent l’anglais ; les écoles publiques [où le taux d’inscription des filles est bas], n’enseignent qu’en Urdu. L’anglais est essentiel pour l’avenir de nos élèves ; il faut être capable de le parler pour entrer à l’université.
 
Depuis que notre école a ouvert ses portes en 2005, de nombreuses jeunes filles ont réussi à avoir des bourses et ont pu partir étudier dans tout le Pakistan. Apparemment, ces hommes, qui ne sont sûrement pas éduqués,  se sentent menacés par cela, et préfèreraient qu’elles restent ignorantes.
 
Notre école ne va pas rouvrir. Le directeur, qui est mon père, a reçu trop de menaces de mort. J’ai déménagé à Karachi avec mes jeunes frères et sœurs pour qu’ils puissent poursuivre leur éducation. D’autres enseignants que je connais ont également quitté la région. Ceux qui y sont restés sont déprimés et ont peur. Cette situation est surtout injuste pour les élèves. Elles ont un tel potentiel ; c’est affligeant que ces extrémistes puissent enfreindre leur droit à recevoir une éducation. Je trouve celles qui manifestent très courageuses.
 
Selon les derniers chiffres de l’UNESCO, 42 % des élèves pakistanais sont des filles ; elles quittent l’école plus jeunes et en plus grand nombre que les garçons. Au Pakistan, plus de 5 millions d’enfants en âge d’être à l’école primaire sont descolarisés, et plus de 60 % d’entre eux sont des filles.
 
Ce tract a été distribué à Panjgur avant que les extrémistes n’attaquent les écoles privées :
 
" Pendant 15 ans, les Occidentaux ont essayé de promouvoir leur mentalité et leur culture auprès des musulmans et ont établi des écoles privées et des centres d’enseignement de l’anglais … [Cette mentalité] a entraîné nos filles et nos sœurs vers la vulgarité … Nous avons confisqué des téléphones mobiles appartenant à des soi-disant enseignants, et dedans, nous avons trouvé des numéros de filles, des messages de leur part, et des vidéos offensantes. Nous demandons donc à tous les parents de retirer leurs filles de ces soi-disant écoles. Nous ordonnons aux conducteurs de bus et de voitures de ne pas amener de filles dans ces écoles à partir d’aujourd’hui, et demandons aux parents d’envoyer leur filles dans des écoles publiques. Nos ordonnons aussi au personnel de ces écoles de mettre un terme à leur activités immédiatement … Si qui que ce soit ne suit pas ces ordres, ils se retrouveront dans une situation critique. Signé, Tenzeem Islami Al-Furqan."
 
 
Des manifestants à Quetta, capitale du Balouchistan, le 26 mai. Photos publiées sur Twitter par Yasir Ahmed Durrani.

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