Archives du blog

Membres

samedi 22 mars 2014

(8) Hommage à Farid Ali et Rahim à Tizi Ouzou Deux... - Ram Otor Ramdane





Mike, Ivoirien à Melilla: "J’étais prêt à mourir pour rejoindre l’Europe"


Deux migrants après avoir franchi avec succès la frontière jusqu'à Melilla. Capture d'écran de la vidéo postée sur YouTube par EQUO Melilla.
 
Depuis quelques mois, les migrants africains sont de plus en plus
nombreux à tenter d’atteindre Ceuta et Melilla, ces deux enclaves
espagnoles situées sur la côte marocaine et qui représentent pour eux
une véritable porte d’entrée vers l’Europe. Mike fait partie de ceux-là.
En décembre, il a même réussi à passer la frontière.
 
Le 18 mars, ils étaient environ un millier à franchir la triple
frontière grillagée haute d'environ sept mètres qui sépare le Maroc de
l’enclave espagnole de Melilla, soit l'un des groupes les plus
importants de ces dernières années, selon les autorités locales.
Cet assaut a fait de nombreux blessés parmi les clandestins, certains
d’entre eux ayant été hospitalisés pour des plaies provoquées par les
barbelés.
 




Plus
de deux cent immigrants subsahariens ont escaladé le grillage et réussi
à atteindre Melilla le 28 Février. Cette vidéo, postée sur YouTube par
EQUO Melilla, montre certains d'entre eux célébrer triomphalement dans
les rues de l'enclave espagnole leur passage réussi.
 
Le 6 février, une tentative d'entrée en force à Ceuta avait là
aussi tourné au drame, lorsque quinze immigrants se sont noyés en
essayant de gagner la ville par le rivage. Quelques jours plus tard, le
ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz, avait reconnu que les policiers avaient tiré des balles en caoutchouc pour les empêcher d’atteindre Ceuta à la nage.
 
Quand ils arrivent à passer la frontière en déjouant la vigilance
des gardes-frontières, les immigrants sont tout d'abord hébergés dans un
centre d’accueil temporaire, le CETI, le temps pour l'Espagne
d'examiner leur situation. Les autorités décident alors soit de les
expulser, soit de leur accorder un permis de séjour. Mais les ordres
d'expulsion étant dans la pratique impossibles à appliquer faute
d'accords de rapatriement entre Madrid et la plupart des pays d'origine,
ceux qui arrivent à passer à Melilla ou Ceuta finissent généralement
par décrocher un ticket d'entrée illimité en Espagne, donc en Europe au moyen d'accords avec des ONG d'accueil dans la péninsule.
 
Face à l’afflux massif d’immigrants ces dernières semaines, le CETI
est aujourd'hui débordé. D’après le ministère de l’Intérieur, que
FRANCE 24 a contacté, 1964 personnes sont actuellement retenues pour une
capacité théorique maximum de moins de 500 places.
 


Jeunes immigrants africains dans le centre de rétention de Melilla. Photo postée sur Facebook par José Palazon.
 


Le triple grillage frontalier qui sépare le Maroc et l'Espagne. Photo postée sur Facebook par José Palazon.
 


Une chaussure, une chemise, un gant... "quelques restes" d'une tentative de passage de la frontière
. Photo postée sur Facebook par José Palazon.
Contributeurs






"Sur cinquante candidats, nous sommes seulement huit à avoir réussi à passer la frontière"

Mike
est parvenu à franchir la frontière en décembre. Depuis, cet Ivoirien
de 23 ans originaire de la ville de Grand Bassam (trente kilomètres à
l’est de la capitale économique Abidjan) attend patiemment d'être fixé
sur son sort au CETI, le Centre d’accueil temporaire pour immigrés, de
Melilla. Il espère un jour rejoindre la Belgique, les Pays-Bas ou
l’Allemagne.

 

J’ai quitté mon pays, la Côte d’Ivoire, à la fin de la guerre civile
en 2011. Mes parents ont été tués pendant le conflit. Je n’avais pas le
choix, pour rester en vie, il fallait que je parte moi aussi. Mes
frères et sœurs ont fait comme moi mais dans la panique on s’est
séparés. Je n’ai plus jamais eu aucune nouvelle d’eux. Avant d’arriver à
Melilla, j’ai traversé de nombreux pays : le Ghana, le Togo, le Burkina
Faso, la Mauritanie et enfin le Maroc. Ce périple a duré plus de deux
ans.
 
Au Maroc, j’ai vécu pendant huit mois aux environs de Nador dans un
campement en compagnie d’autres immigrés. Là-bas, plusieurs groupes se
forment et parfois l’un d’eux décide que c’est le 'grand soir',
autrement dit le moment de franchir la frontière. En général, le groupe
de volontaires est aidé dans sa démarche par un autre groupe qui part un
peu avant pour tenter de déjouer la vigilance des gardes-frontières.
Même si cette technique ne fonctionne pas à tous les coups, elle a au
moins le mérite de laisser une petite chance aux candidats au départ.
 
Moi, j’ai fait partie d’un groupe composé d’une cinquantaine de
personnes. Nous sommes seulement huit à avoir réussi à passer les trois
grillages. Je m’en suis sorti avec de légères blessures au bras et au
genou, mais ce n’était rien par rapport à l’émotion que j’ai pu
ressentir sur le moment. Je me suis dit : "Ça y est, tu es en Europe, il
ne peut plus rien t’arriver, la galère est derrière toi."
 
"Si je devais retourner en Côte d’ivoire, je deviendrais fou. Là-bas, je n’ai ni famille, ni avenir"
 
Je suis conscient d’avoir pris d’énormes risques, mais j’étais prêt
à sacrifier ma vie pour passer la frontière même si sur le moment j’ai
eu très peur. Mes "frères" et moi, on a tous le même raisonnement :
c’est l’Europe ou la mort. Car si la traversée échoue une première fois,
on essaiera une seconde fois, puis une troisième… jusqu’à qu’on
réussisse. Si je devais retourner en Côte d’ivoire, je deviendrais fou.
Là-bas, je n’ai ni famille, ni avenir. Je préfère mourir sur un grillage
la tête haute. Au moins, j’aurais tout tenté et n’aurais aucun regret.
 


Immigrants dans le camp de Melilla. Photo postée sur Facebook par José Palazon.
 
À Melilla, j’occupe mes journées en faisant des petits boulots
comme laver les voitures des habitants. Je peux gagner jusqu’à huit
euros en une journée, ce qui m’a permis d’acheter un téléphone portable
et une puce à recharger. Les "anciens", les immigrés qui vivent au camp
depuis bien plus longtemps que moi, m’aident aussi un peu
financièrement. Ils remplissent en quelque sorte leurs rôles d’aînés.
 
Mon objectif plus tard est de trouver un travail et de fonder une
famille en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne. En France, il y a
beaucoup d’Africains et je sais que leur situation est très difficile
là-bas. Aujourd’hui, j’aspire juste au calme et à vivre comme n’importe
quel Européen.
 
Cela fait maintenant trois mois que je suis hébergé au centre
d’accueil de Melilla. Nous sommes très nombreux à l’intérieur mais ça ne
me dérange pas. J’ai vécu des situations bien plus terribles dans le
passé. Je ne sais pas combien de temps encore je vais attendre, mais je
sais que ceux qui obtiennent leur sésame pour l’Europe voient leur nom
inscrit sur un tableau. Forcément, mon tour viendra [Amnesty
International précise que l’attente peut durer plusieurs années].

 

Selon le préfet, des milliers de candidats à l’exil sont
actuellement massés aux abords immédiats de Melilla, dont environ 1 500 à
2 000 sur le mont Gurugu, où les clandestins arrivés d'Afrique
subsaharienne ont établi leurs campements, tandis que 8 000 à 10 000
personnes se trouveraient aux environs de la ville marocaine de Nador
[située à quinze kilomètres de Melilla].

 

Les autorités espagnoles estiment à environ 80 000 le nombre de clandestins
qui attendent de pouvoir pénétrer dans les enclaves de Melilla et
Ceuta, lesquelles constituent les deux seules frontières terrestres
entre l'Afrique et l'Europe.

 

Billet rédigé avec la collaboration de Grégoire Remund (@gregoireremund), journaliste à France 24.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire