Bouteflika est-il important, ennuyeux, inutile ou stratégique ? Par Kamel Daoud
Le sujet de la semaine ?
Il est venu en fin de semaine. Ce n’est pas El Qardaoui, l’homme aux
fatwas qui tuent, ce ne sont pas les islamistes algériens qui essayent
de prier en rangs mais sans résultats, ce ne sont pas les chômeurs car
ils sont nombreux et c’est un vieux métier.
C’est qui donc ? Le quatrième mandat de
Bouteflika dont Bouteflika ne voudrait pas. Lâchée par El Khabar, la
supputation est devenue une « info » puis a provoqué un effet dominos :
1- C’est un sondage. 2- C’est une intox. 3- C’est une vérité. 4- c’est
une futilité.
Pour les théoriciens du ballon-sonde,
Bouteflika, lui, son frère, leur incorporation ou leur cercle, essayent
de voir «qui est derrière qui ?» en ces temps troubles et de règlements
de comptes. L’espoir, par cette info, étant de provoquer la demande pour
assurer l’offre : Bouteflika userait ainsi de la vieille recette de «se
faire désirer» pour se présenter comme «appelé» et sauveur. Cela lui
donnera du poids devant ses détracteurs (pas le peuple mais les clans),
lui sauvera la face (internationale) et du soutien populaire, fantasme
des Présidents populistes. Le quatrième mandat sera un plébiscite étant
donné que le premier a été une cooptation, le second une obligation et
le troisième une prolongation. Cette info serait ainsi le premier test
et tir au but du match ouvert.
Seconde équipe, seconde thèse : l’info du
Bouteflika qui ne veut pas se présenter pour un quatrième mandat est
l’acte de ses adversaires. On veut l’obliger à se dévoiler. On veut lui
barrer le passage. L’info servirait surtout à communiquer une décision à
Bouteflika lui-même : pas de 4ème round. On te l’a dit par
l’affaire Sonatrach 1, par la 2 et on va te le dire par l’affaire
Sonatrach 3 et par journaux publics et devant tout le monde. Le message
serait surtout aux Bouteflikistes par le sang ou par l’intérêt qui
essayent de faire le dos rond face aux révélations sur les corruptions
stratégiques dont ils sont parrains. Le fameux premier cercle qui
tombera si l’homme tombe et à qui on «explique» qu’il faut plier
bagages.
Troisième thèse ? Cette info serait « la
vérité ». L’homme fatigué et malade va préparer une succession sécurisée
et stable pour sauver un pays qu’il aurait « présidé » par défaut.
Bouteflika est donc un homme qui s’est sacrifié pour nous mais qui
aujourd’hui jette l’éponge, préfère la démocratie à sa biographie et
annonce que le jeu est ouvert. Que les candidats peuvent se présenter et
qu’il y aura de vraies élections puisqu’il ne va pas plomber le jeu. Le
régime acculé, le Président usé, songent tous les deux à passer le
témoin et à assurer une transition et l’annonce par cette voix
officieuse pour faire lever les prétendants et ouvrir le bal. L’homme
serait sincère face à un système qui voudrait qu’il reste pour user de
lui comme prête-nom.
Enfin, le reste. Ceux qui savent, pensent
et ont conclu que cela est une futilité. Bouteflika ou pas, le système
va se présenter pour un quatrième mandat. Le même depuis 1962. Unique,
sans interruption, sans pause sauf de quelques mois avec Boudiaf. Que
Bouteflika ou se ses tracteurs se déchirent, cela ne change rien. On a
besoin d’une rupture, pas d’un Président qui part, reste ou arrive. Cela
ne sert à rien de s’intéresser à ce genre d’info, sauf à boire son
café, à patienter chez le coiffeur ou à spéculer sur le sexe des anges.
Le tout pour dire que l’information
politique en Algérie est objet de guerre et pas sujet de verbes. Elle se
lit de droite à gauche, de haut en bas, de bas en haut…etc. C’est une
écriture algérienne qu’on lit dans tous les sens sans aboutir au sens
exact. Elle ne sert à rien et sert à tout.
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